yangtse shanghai Chongqing 1994

dernier livre de jjk : 1993 une année utopique,

un voyage à St-Petersbourg, Mongolie et en Chine

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Les routards vous diront qu'à Chongqing, il n'y a rien à voir. Pourtant la ville est un décor de cinéma, c'est Londres en 1890, je m'attends à voir sortir se chère Holmes d'une de ces vieilles maisons des bas quartiers. Seules trois bâtiments officieux dominent la ville. De facture communiste, ils sont jaunes pales ou gris pas beau, décorés de gerbes, d'étoiles ou de travailleurs géants. Les rues commerçantes ont de belles façades de style art-déco, haute de 2 à 3 étages. Les idéogrammes dorés du mandarin, lui donne un air d'un Chinatown prospère. Derrière les brillantes façades, sont accolés des baraquements de bois ou brique, qui abrite une multitude d'ateliers. Ce qui me marque le plus, c'est le flot d'odeurs qui pavent la rue. A chaque pas les effluves trahissent la spécialité des travailleurs exploités en secret derrières ces belles façades. Faux parfums, vrai plastique brulé, l'huile des machines, transformation de poissons, tannage du cuir, les solvants sont les plus courants, ton nez se fait "odeur pour un champion", c'est super. La rue elle-même n'est pas visible, elle recouverte d'une marée de tricycles surchargés des boites et de ballots, ils sont figés dans un bouchon perpétuel. Les chauffeurs des trolleys-bus, la main sur le klaxon, hurlant le désespoir des passagers, plus serré que des sardines dans une boîte. Je vois des mains coincées dans la porte du bus, qui dépasse. Je vous conseille, marcher est encore la meilleure façon de partir à la recherche d'un billet fluvial Chongqing - Shanghai.

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Ça m'impressionne toujours les grands fleuves, il est là devant-moi, sa masse déferle avec force mais en silence, il emporte avec lui tout les bruits de la ville. C'est l'été son niveau est bas, il est tapis au fond de son lit. Mais les crues du printemps dévastatrices ont laissé leurs traces sur les berges, le fleuve est à 150 mètres, pourtant des bouts d'arbres sont encore accrochés aux marches de l'escalier de métal rouillé, qui m'amène à la plage. Les crues peuvent faire monter le niveau du fleuve de 10 mètres en une nuit et de 25 mètres dans les gorges, sont débit de 30 000 m3/seconde en moyenne, mais il peut grimper à 95 000 m3/s en cas de crise, soit 400 fois le Rhône à sa sortie du lac Léman. Sur le sable un port éphémère est en pleine effervescence. Des centaines de porteurs s'activent sur les pontons à vider et à remplir les barges et les camions. Des passagers coincés sur un ponton attendent pour partir en croisière, des enfants jouent au foot sur la plage avec un ballon crevé, des chiens errants regardent le spectacle. Je remonte vers l'amont sur 4km, pour voir la fin du toboggan géant qui descend droit de l'Himalaya, et amène le Yangtsé dans la première grande ville de son long périple. C'est le troisième plus grand fleuve du monde avec 6300km, ses sources sont perdues dans l'est du Tibet, loin de toutes civilisations, là-bas il s'appelle le "Fleuve de la femelle du yak". A Chongqing, il prend le nom de Yangtsé-Kiang, le grand fleuve, c'est aussi ici qu'il devient civilisé, maitrisé il est navigable jusqu'à la mer. Il a été dompté à coup de dynamite, son énergie a été matérialisée, grâce aux barrages. 500 millions de chinois dépendent de son eau, il irrigue 70% de la production de riz chinois.

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A travers les vitres embuées par les embruns qui se changent en un crachin épais. Shanghai se présente comme je l'aime, c'est Gotham city, les perchoirs à Batman sont là. Le "Park Hôtel" et son parc, le très colonial "Peace Hôtel" et le plus beau le "Shanghai Mansion", ils ont une architecture entre l'Empire State Building et le palais stalinien de la culture à Varsovie. Bâtit en pierre grise et foncée, sans fioritures, il n'y a que des angles pas un arrondit, une froideur diabolique. Le taxi difficilement se fraie un chemin, dans les rues surpeuplées ou les étales et les échoppes s'entrechoquent, les cris des vendeurs complètent le brouhaha local. A ce moment c'est plutôt une scène sortit du film "Blade Runner" par Ridley Scott qui se joue devant moi. Shanghai a une histoire intéressante, la ville a été louée par petits bouts, pendant 50 ans, à des puissances étrangères. Chaque quartier avait les traits du pays colonialiste qui l'occupaient. La révolution communiste et la guerre contre le japon ont mis fin à ces locations, vers 1946. A noter que le congrès fondateur du parti communiste chinois (23 juillet 1921) a eu lieu dans le quartier français, un des plus huppés de la ville. Les concessions ont encore gardé l'ambiance de leurs anciens locataires. Si on ne trouve plus de choucroute dans le quartier allemand, il reste encore quelque brasserie. Il y avait même un Chinatown et ses fumerie d'opium, elle aussi on disparu avec l'avènement de la révolution culturelle. Shanghai était l'unique centre industriel de toutes l'Asie. On comptait 30 000 prostituées et plus de 250 000 chinois travaillaient dans les usines tenues par les blancs. Exploité 7 jours sur 7, ils habitaient les nombreux bidonvilles qui entouraient Shanghai.

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Le tai-chi est une institution, il y a encore 3 ans la gymnastique matinale était encore obligatoire, l'exercice se déroulait à l'usine pour les travailleurs ou dans la rue pour les ainés. A 04 du mat, après un café et un bout de cake aux fruits dans un silence entrecoupé par les ronflements de mes colocataires, je pars à la rencontre du taïchi. Les écouteurs dans les oreilles, Echo and the Bunnymen un groupe anglais très planant. L'idéal pour que mes yeux se transforment en caméra cachée, j'enchaine les vidéos clips, je suis déconnecté du monde normal. Autour de moi des centaines de shanghaiens dansent des chorégraphies modernes, tous dans la mesure, ils miment des animaux en mouvement, une brigade de tigre se transforme en banc de carpes sous la pulsion du leader, positionné face la masse. Un couple armé d'épées télescopiques jouent à Artagnan et Portos, à la cadence de la tortue, en appuyant sur le torse de son comparse, l'épée télescopique se plie, mais j'ai l'impression qu'elle s'enfonce dans le poitrail de l'homme. Sur les six heures je plonge sur Nanjing lu et je fonce d'un pas décidé vers le square du Peuple, à ne pas confondre avec le parc du Peuple. Je me recontacte à la société en enlevant mes écouteurs, et enclenche le mode observation de mon esprit. Je traverse le square en zigzag, c'est une superstition vivace, il n'y a que les mauvais esprits qui cours tout droit. Je vois de nouveau mode de méditation, les mains jointes, les yeux fermés levant une jambe de temps à autre, c'est très spéciale on croirait une secte américaine en pleine prière. Au virage suivant, un duo de grands pères expriment un taïchi si académique, parfait et généreux que les badauds s'arrentent émerveillés. Sur les hauts parleurs du square, pour une fois ce n'est pas de la propagande, il y a de la musique française. Mireille Mathieu, Joe Dassin, Edith Piaf est j'en passe, du pur bleu, blanc, rouge. C'est un bal musette, oui, oui de 5 à 6h du matin sa valse, sous les platanes hérité de la concession française. En avant Germaine, des couples hétéroclites, deux ainées, deux jeunes hommes, une mère et sa fille, les seules paires normales (homme et femme dans la même fourchette d'âge) se regardent profondément dans les yeux et virevolte de bonheur, Cupidon doit avoir du boulot par ici. 07h la musique s'éteint, les danseurs retrouvent leurs bleus de travail col Mao, rangent dans leurs sacs leurs habits de lumière et partent travailler, c'est beau la Chine.

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